L’engagement d’Anatole France en faveur du peuple russe s’inscrit dans une histoire culturelle d’ordre politico-idéologique concernant l’internationalisme. Elle commença avec la révolution prolétarienne française de 1848 et le mot d’ordre qui conclut le Manifeste du Parti communiste des allemands Marx et Engels : « Prolétaires de tous pays, unissez-vous ! ». Cette histoire se poursuivit par la constitution des trois Internationales successives (1864, 1889 et 1919) puis par le Congrès de Tours, en 1920, aboutissant à la scission entre ouvriers socialistes et les communistes. Le krach boursier mondial de 1929 et les dix ans de la Grande dépression affaiblirent les principes internationalistes et prolétariens du couple franco-russe. Dans ce cadre (1848-1939), la solidarité entre les peuples était un des enjeux majeurs de l’académicien et président-fondateur du PEN-Club français Anatole France. Il défendait les libertés d’expression et le respect de la vie humaine dans un combat concernant les questions sociales en Russie de 1897 à sa mort en 1924. Le premier axe expose la liberté de parole sous l’angle des grèves estudiantines, des revendications des travailleurs et des persécutions des intellectuels. Le second présente la notion de l’altérité par rapport au paupérisme, aux maladies et aux perspectives sociales modernes. En particulier, Anatole France soutint un film de 1921, tourné par le Docteur Nansen, mettant en évidence un cas d’Holodomor méconnu. Les images montrent une population ukrainienne et russe affamée. Le but était de stimuler l’élan solidaire entre les peuples pour aider la population mourant de faim. Toute sa vie durant, Anatole France mena une lutte sociale dont le dossier se trouve dans Trente ans de vie sociale, quatre volumes dans lesquels son engagement en faveur des défavorisés est patente. À partir de la fin du XIXe siècle, il examina les événements en Russie qui témoignaient d’un bouleversement social et intellectuel. Claude Aveline a réuni l’ensemble des écrits sociaux de l’écrivain français juste après la Seconde Guerre mondiale dans quatre volumes qui couvrent les années 1897 à 1924. Une étude statistique met en évidence la présence récurrente presque chaque année de textes en rapport avec la Russie envisagée soit de manière générale soit en rapport avec la question sociale entre 1901 et 1922. Quel but poursuivait l’académicien français dans cette réception et représentation de l’autre ? On se rend compte que plus de la moitié des préoccupations d’Anatole France sur la Russie concerne d’une part les valeurs de la liberté d’expression et d’autres part le respect de la vie.